Monsieur B, un homme en colère…

La vie d’un élu, d’un Maire particulièrement, amène à vivre bon nombre de situations curieuses, cocasses, inattendues, surprenantes et à rencontrer toutes sortes de gens parmi lesquel, il faut bien le dire, quelques personnages pour le moins bizarres…

Si certains ont la bizarrerie attachante, d’autres l’ont surtout stupide où agressive…

Aujourd’hui, parce que je souhaite être transparent et que je crois utile que les citoyens puissent savoir ce qu’est concrètement l’exercice d’un mandat local au quotidien, je voulais partager avec vous une de ces expériences en vous parlant d’une étrange rencontre avec un Monsieur tellement en colère qu’il en oubliait de se garer correctement et estimait que cela était naturellement… la faute du Maire honni…

Mon premier contact avec ce Monsieur, que pour des raisons de discrétions évidentes nous appellerons ici Monsieur B, date du 26 décembre 2014, lendemain de Noël.

Cette « rencontre » se fit par un courrier de deux pages, dont il est permi de douter qu’il fut rédigé grâce à l’inspiration de l’esprit de paix de cette fête.

Un courrier écrit en interlignes si serrées et avec une police de caractère si petite qu’un myope dépourvu de ses bésicles n’aurait guère put espérer aller au delà du 2nd paragraphe.

Il m’y faisait part de toute son ire à l’encontre du monde en général, de la France en l’espèce et de moi-même en particulier…

Ce sympathique retraité, pour arrondir ses fins de mois, m’indiquait travailler occasionnellement sous le cadre du statut d’auto entrepreneur et trouvait inadmissible d’être astreint, en raison de ce statut, au paiement de l’impôt, au cas d’espèce, à la CFE (Contribution Foncière des Entreprises).

Quelques extraits piochés parmi les plus agréables du courrier de notre doux et actif septuagénaire :

  • « les instances dirigeantes s’évertuent à dépouiller les pauvres, les humbles, les petits, les sans dents, de leurs faibles revenus pour enrichir sans limites les puissants, les nantis, les crapules respectées ».
  • « Les élus qui se réclament de cette obédience mortifère, ne sont pas avares de zèle pour inventer chaque jour, plus d’astuces pour promouvoir grassement la pauvreté et son cortège de misères ».
  • « L’Administration dans sa grande fureur cannibale, cette organisation répugnante qui met la France en coupe réglée ».
  • « Bichonnez les vos vieux, qu’ils votent d’un seul élan pour la civilisation du malheur de l’humanité et de la déglingue de l’écosystème ».

Je vous en passe et des meilleures…

Ce digne retraité, après m’avoir agonit de son flot de haine, achevait son courrier par la phrase la plus cinglante qu’il ait pu trouver :

  • « Monsieur le Maire, je vous souhaite l’année que vous mériterez… ».

Par politesse, ayant appris qu’un courrier adressé à un élu appelle toujours un courrier en réponse, je lui répondais donc, le 5 janvier suivant, le courrier synthétique et neutre suivant :

« Monsieur c’est avec la plus grande attention que j’ai lu votre missive et son contenu pour le moins agressif. Je tenais juste à vous informer que la CFE dont vous faites état n’est pas un impôt municipal. Vous souhaitant bonne réception de la présente et laissant ceci à votre appréciation, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués ».

Monsieur B ne me répondit jamais sur ce sujet…

Par la suite, il m’adressa un courrier le 3 février 2015, pour se plaindre que la SEE (Société des Eaux de l’Essonne) le mettait en demeure de régler une somme dont il estimait naturellement ne pas être redevable. Cette société lui réclamait en effet d’une façon qu’il jugeait « arbitraire », des frais au motif que, « financièrement géné » il réglait ses « factures d’eau en plusieurs fois »…

Essayant malgré la haine apparente que me vouait Monsieur B de faire ce que je pouvais pour un administré, j’adressais donc un courrier à la SEE afin de lui demander d’entendre la demande de Monsieur B et d’essayer, si possible, de lui donner satisfaction.

Celle-ci me transmit la réponse qu’elle avait faite à Monsieur B. Elle lui démontrant par A + B que les sommes réclamées étaient dues à l’euro prêt et qu’il revenait à Monsieur B, S’il souhaitait bénéficier d’échéancier de paiements, d’en faire la demande préalable, ce qu’il n’avait bien sur jamais fait…

Elle me transmettait par la même occasion le courrier que Monsieur B leur avait adressé. Un courrier de la même veine que ceux que j’avais reçus, du genre de ceux qui ne peuvent pas manquer de donner à son destinataire envie de faire plaisir à son auteur, un courrier dont Monsieur B à le secret.

Extraits :

  • « La SEE, filiale de Véolia, qui est elle même filiale de Vinci, sociétés vivant grassement de la commande publique, peut bien accorder des aménagements de paiements à ses clients forcés sans avoir recours à de mesquines pénalités de retard. »
  • « Je vous demande de bien vouloir supprimer ces demandes au nom de l’humanisme et de la solidarité avec les classes modestes que vous contribuez largement à appauvrir ».

La période des voe“ux étant passée, il terminait son courrier à la SEE ainsi :

  • « Vous avouerez quand même que votre appétit d’enrichissement est un peu excessif. Que la Société des Eaux de l’Essonne, le SIARCE et la glorieuse commune de Mennecy se sucrent sur le dos des pauvres n’est certes pas une découverte. Elle n’en est pas moins un désastre social et une preuve de la « crapulocratie » qui gouverne cet Etat. La population de Mennecy doit se donner comme devoir sacré de vous chasser comme prédateurs et comme nuisant gravement à la survie des citoyens de cette commune. Nous ne manquerons pas de l’y encourager »

Signé : Monsieur B… l’éternel fâché !

Et puis plus rien…

Les semaines et les mois passèrent sans m’offrir le plaisir de profiter des talents littéraires de mon fan épistolaire…

Jusqu’à ce samedi matin du mois de septembre où j’eu la surprise, la joie, le bonheur et l’avantage de pouvoir mettre enfin un visage sur le Attila épistolaire du centre-bourg Menneçois.

En effet celui-ci avait demandé à me rencontrer lors d’une de mes permanences, au sujet d’une contravention dont il avait fait le objet à Mennecy.

Loin du Gengis Khan du traitement de texte que je m’imaginais voir débouler en Mairie, c’est un petit monsieur au teint grisâtre, à l’oe“il méfiant partiellement clos, au cheveu blanc bien peigné quoi que de nature rebelle, qui rentrait dans mon bureau pour se plaindre du dernier mauvais tour donc il aurait été victime de mon fait.

Après avoir accepté mon invitation à s’assoir, après un instant de réflexion quand même, il m’expliqua alors s’être garé sur une place de livraison destinée à permettre des dépôts de fonds, place située en limite de Carrefour, et avoir eu la désagréable surprise d’être verbalisé par la Police Municipale, c’est-à-dire, selon lui, ma milice privée.

Non seulement cette verbalisation lui semblait anormale, mais ce qui lui apparaissait encore plus anormal était le tarif de la contravention qui lui était appliquée, tarif pourtant normé…

Il m’expliqua avoir contesté sa contravention devant la juridiction compétente au motif que le tarif était, selon lui, disproportionné pour une infraction qu’il reconnaissait pourtant avoir commise, et avoir été débouté, signe selon lui que nous étions dans un état fasciste, pire que l’ancienne URSS…

Je ne vous cache pas qu’après 10 minutes passées à l’écouter ainsi déverser son flot de bile et d’aigreurs, sans d’ailleurs rien me demander de concret, si ce n’est de tenir le rôle de déversoir à ses multiples frustrations, je l’invitais à rentrer chez lui afin qu’il ne perde pas son temps à m’expliquer tout le mal qu’il pensait des gendarmes, des lois, des règlements, des décrets, des mairies, des maires, des élus, des magistrats, des avocats, des entreprises, du CAC 40, des impôts, du stationnement, des banques et de leurs places de livraison, du service de gestion de l’eau, des services publics, de la République, du fascisme, du communisme stalinien, du libéralisme et bien sur, des policiers municipaux qui ne seraient, au fond, qu’une sorte de milice fasciste à la solde du nomarque municipal que je serais…

Je lui indiquais quand même, bien que doutant que cela puisse atteindre le cortex préfrontal, que dans un état fasciste, il n’aurait pas eu la liberté de m’adresser les courriers qu’il m’avait adressé depuis bientôt deux ans, pas plus d’ailleurs que de tenir ce type de propos dans le bureau d’un Maire à la solde dudit pouvoir…

Ainsi que vous pouvez le constater, il existe des gens fâchés avec la vie qui atterrissent dans les bureaux des élus…

Je ne sais s’il faut en rire ou en pleurer mais en tout cas j’avais envie de le partager avec vous…

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