Un tortionnaire a-t-il le droit de mourir en paix ?

Cette semaine, John (Yvan) Demjanjuk a été extradé par les Etats-Unis vers l’Allemagne en raison de son rôle dans la Shoah en tant que gardien de Sobibor (camp d’extermination nazi où en 18 mois, 250.000 personnes furent gazés). Il est soupçonné d’avoir participé au génocide de 29.000 êtres humains en 1943.

L’histoire de Yvan Demjanjuk est riche en rebondissements.

mémorial de Sobibor

mémorial de Sobibor

Comme beaucoup d’Ukrainien, il fut tout d’abord soldat dans l’armée rouge avant d’être capturé en 1942 et de devenir gardien de camp à l’est. Après un passage en Allemagne, il rejoint les USA en 1952, s’installe dans l’Ohio et devient ouvrier chez Ford… Un paisible père de famille, un « monsieur tout le monde ».

Retrouvé et soupçonné d’avoir été « Yvan le terrible », un des gardiens du camp de Treblinka, il est extradé en Israël 1986, jugé et condamné à mort en 1988. Heureusement pour lui, le KGB produisit alors certaines de ses archives qui laissaient à penser qu’Yvan le terrible s’appelait Marcheko et non pas Demjanjuk. Dans le doute, il est finalement libéré par Israël en 1993. C’est à ce moment que l’association des époux Klarsfeld, « les fils et filles de déportés juifs de France » porte plainte sur la base de documents accumulés contre lui.

Dans le même temps aux USA, Edward Stutman, juge et chasseur de nazis a réuni de nouvelles pièces d’archives et au terme d’un procès entamé en 2001, Il perd la nationalité américaine en 2002.

60 ans se sont écoulés

60 ans se sont écoulés

Enfin, en mars 2009, après que de nouvelles pièces attestant l’identité d’Yvan Demjanjuk aient été retrouvées et authentifiées en Allemagne (pièce d’identité le signalant comme gardien de Sobibor en 1943…), le parquet de Munich fit une demande d’extradition qui vient d’aboutir.

Bien sur, aujourd’hui, presque 65 ans après les faits, s’agissant d’un vieillard de 89 ans qui n’était à l’époque des faits qu’un « sous fifre » pour reprendre une expression de Serge Klarsfeld, il est possible pour certain, et c’est en tout cas sa ligne de défense, de demander à vieillir en paix, d’appeler à une compassion qu’en d’autres temps il refusa aussi bien à des vieillards qu’à des enfants.

Il est possible de vouloir expliquer qu’un homme, qui plus est ukrainien, n’avait aucune possibilité de choix, était en quelque sorte qu’il était victime du système…

C’est ce que font la plupart des criminels nazis pour se justifier, oubliant au passage que les seules victimes sont celles qu’ils ont tués il y a plus de 60 ans et qui n’ont même pas eu le droit à une sépulture décente.

Cette extradition et le procès qui s’en suivra probablement est un évènement important, d’autant plus que le temps passant, les criminels comme les survivants disparaissant, les chambres à gaz vont bientôt quitter le monde des vivants pour appartenir à l’histoire, c’est-à-dire à ce qui n’a plus de témoins direct et qui risque d’être oublié.

Il est essentiel que ce travail de traque inlassable menés par des gens tels que Beate et Serge Klarsfeld se poursuive.

Depuis janvier 2001, ce sont 66 condamnations de criminels de guerre nazis qui ont été obtenues…

66 raisons de ne jamais oublier ce qui a été fait par des européens, souvent éduqués…

66 exemples de ce que le monde ne devrait plus jamais accepter ou que ce soit…

66 fois ou justice a été rendue à des victimes dont le seul crime était d’être différents…

66 fois ou la mémoire de ces familles qui ont vécu l’horreur aura été réssuscité…

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